Compte rendu de la Séance du 20 mai 2006

Communication de Roland Laffitte :
Les mots arabes et orientaux dans les arts culinaires

Comment sommes-nous arrivés à ce choix ?

* Ce thème était sur la liste des tâches du projet de la SELEFA lors de la constitution de notre société.

* Sont ensuite apparues des opportunités dues à des travaux déjà engagés :

** L’engagement d’un travail sur le corpus des mots d’origine mésopotamienne avec Olympe Lemut et le choix de commencer par les noms de plante ;

** La recherche menée par Philippe Boutrolle sur les noms de plantes ;

** L’exhumation d’un article de Maxime Rodinson et sa publication dans le Bulletin n° 4, 2ème semestre 2004, accompagné d’une bibliographie du regretté savant sur le sujet ;

* La constatation d’un intérêt certain du public pour les arts culinaires, susceptible de servir d’aiguillon à une recherche linguistique. C’est une démarche semblable qui a déjà conduit à l’étude des noms arabes d’étoiles, à celle des mots arabes dans le français argotique et populaire, ou à celle des prénoms, qu’il s’agisse des prénoms araméens ou des prénoms arabes et musulmans. Un tel intérêt est montré par les publications des ouvrages sur le sujet de nos amis Paul Balta et Farouk Mardam-Bey, et il est confirmé par le travail de préparation de notre ami Mohamed Oubahli pour Horizons maghrébins sur le sujet.

La méthode de travail désormais établie est la suivante :

elle consiste à agir simultanément sur deux plans :

* éclairer l’horizon de la façon la plus large et ne pas craindre de se fixer des buts ambitieux ;

* accomplir, dans la direction choisie, des pas mesurés et assurés.

OUTILS PRÉLIMINAIRES

1. Point de départ : les mots répertoriés par les dictionnaires français de base :

Nous nous plaçons ici du point de vue de l’utilisateur et comme nous le faisons habituellement dans le Bulletin, nous partons des deux dictionnaires classiques :

* le Trésor de la Langue française (TLF),

* le Dictionnaire historique de la langue française (DHLF) de chez Robert.

Ces deux ouvrages utilisent les sources données dans le document 05 Bibliographie linguistique, notamment le FEW de Walter von Wartburg. C’est là notre point de départ avant d’établir ce qui doit être ajouté ou modifié.

2. Classification des mots arabes et orientaux dans les arts culinaires.

Ces mots des arts culinaires peuvent être classés ainsi, suivant la proposition qui fut faite lors de la réunion du 23 novembre 2005.

– légumes : par ex. : artichautaubergine.

– fruits : par ex. : abricotorange.

– viandes & poissons : par ex. : albacoreallache.

– épices et condiments : par ex. : cuminsafran.

– mets, préparations : par ex. : boutargueescabèche.

– boissons : par ex. : arakcafé.

– ustensiles : par ex. : calebassecarafe.

– convivialité : par ex. : chichadiffa.

– divers :

Je prose une rubrique nommée provisoirement convivialité dans laquelle on pourrait mettre la consommation de substances comme le hachich, souvent liée à la table, rubrique qui pourrait d’ailleurs être commune à d’autres domaines comme « Bienêtre & confort ». Peut être faudrait-il d’ailleurs parler d’« Arts de la table » plutôt que d’« Arts culinaires » ? 

TÂCHES À EFFECTUER 

1. Inventaire des travaux non répertoriés par les dictionnaires de base.

* En langue française :

** Les ouvrages de nos 3 amis, Mohamed Ben Smaïl, Hassane Makki et Majid El Houssi : Philippe Boutrolle a présenté une Liste des termes du domaine de la botanique auxquels est attribué une origine orientale extraite de ces ouvrages auxquels il a ajouté le Dictionnaire étymologique de botanique de François Couplan, Paris : Delachaux et Niestlé, 2000. Nous avons extrait de cette liste les noms de plante figurant dans les Arts culinaires, liste à laquelle nous avons ajouté les mots autres que les noms de plante dans ces 3 ouvrages et les termes tirés second livre de Mohamed Ben Smaïl, soit le du 4ème ouvrage (voir fichier 01 Arts culinaires. Mots des 4 dictionnaires). Nos 3 amis, Hasssane, Majid et Mohamed, sont priés :

– de vérifier que les listes tirées de leurs ouvrages sont complètes, et

– de souligner, dans une communication écrite, les apports qu’ils ont faits par rapport aux dictionnaires de base cités plus haut.

Ces contributions constituent en effet la première étape de la mise à jour à faire par rapport aux données des dictionnaires de base.

** Autres travaux en langue française : rares sont les travaux systématiques en langue française. Le TLF a recours à ceux de Raymond Arveiller, notamment rassemblés dans Addenda au FEW, xix (Orientalia), éd. 1999, et ceux de Nasser Fathi, Emprunts lexicologiques du français à l’arabe, des origines jusqu’à la fin du xixe siècle, 1966, mais n’utilise pas la thèse de Françoise Quinsat, Contribution à l’étude des emprunts lexicaux arabes dans les textes latins antérieurs au XIIème siècle, Paris III- Sorbonne Nouvelle, 1922, et les différents articles publiés par cet auteur, sans parler des articles occsionnels de différents linguistes, philologues ou historiens des sciences touchant à l’étymologie.

* Utilisation des travaux effectués dans d’autres pays :

** pour l’Italie : notre ami Majid a bien dépouillé les sources italiennes. Nous avons naturellement les travaux de synthèse de Giovan Battista Pellegrini, Gli arabismi nelle lingue neolatine, largement utilisé dans le Bulletin, auquel il faut ajouter l’ouvrage relativement récent de Marco Mancini, L’esotismo nel lessico italiano, 1992, disponible dans notre documentation.

** pour l’Espagne : l’essentiel du travail a été fait par Federico Corriente dont les résultats sont rassemblés dans le Diccionario de arabismos y voces afines en iberorromance et dans divers articles travaux dont certains sont indiqués dans la bibliographie (voir 05 Arts culinaires. Bibliographie linguistique) et dont il faudrait d’ailleurs faire un recensement.

** pour l’Allemagne et les pays de langue anglaise, il ne semble pas qu’il y ait des travaux originaux. Nous sommes en possession de la thèse récemment publiée en allemand de Raja Tazi, Arabismen im Deutschen, 1998 qui reprend les sources que nous avons inventoriées en italien et en espagnol mais qui donne une présentation systématique et utile. Nous n’avons pas eu encore accès aux travaux en langue anglaise, notamment le livre de Garland Cannon, The Arabic Contributions to the English Language.

L’examen systématique de ces travaux linguistiques doit nous permettre d’inventorier les contributions nouvelles, les questions tranchées, les hypothèses originales, et d’effectuer ainsi les mises à jour pour un certain nombre de termes à recenser. Par exemple, Federico Corriente donne dans son Dicionario de arabismos, des précisions sur des termes qui nous intéressent, notamment sur endiviaestragon ou ratafia. 

2. Contributions originales à partir de nouvelles sources bibliographiques

Voici quelques travaux engagés qui vont nous aider à faire apparaître des termes nouveaux, de nouvelles explications et des précisions utiles. Il ne s’agit plus ici d’une mise à jour mais de contributions originales.

* Corpus des mots d’origine mésopotamienne : ce travail mené par Olympe Lemut a déjà donné des résultats pour les termes cumin et sésame. Les prochains articles porteront sur safran, caroube, ainsi que d’autres noms de plantes et d’ustensiles agricoles.

* Le travail sur les noms de plantes mené par Philippe Boutrolle permet d’avoir accès à des nouvelles sources dont le dépouillement est susceptible de nous apporter des éléments nouveaux.

* Les travaux sur l’alimentation en Méditerranée qui sont aujourd’hui menés dans plusieurs directions vont nous apporter un matériel considérable :

** Nous avons pu dépouillé, lors de la séance du 23 novembre, grâce à notre amie Tamani Stamoulis, le livre de Lucie Bollens, La cuisine andalouse, qui nous a permis de nous mettre dans l’ambiance et a fait apparaître un terme peu fréquent en français mais usité en anglais, almori. De même, le dépouillement de l’ouvrage Medieval Cookery qui reprend en anglais les articles de Maxime Rodinson et nous permet de revenir sur losange – pour l’étymologie duquel, curieusement, le TLF est sceptique – et d’autres termes, notamment italiens comme limuniaromaniasommachia, qui sont des noms de mets dans des traités qui ont d’ailleurs été traduits en français et dont les manuscrits doivent être examinés. Dans cet ouvrage, un article de Charles Perry indique comme étymologie de l’espagnol capitano, qui est un nom de poisson, l’arabe qabtûn. Cela nous pousse à faire une recherche sur le français capitaine…

** Une première bibliographie est donnée en document joint (voir 06 Arts culinaires. Bibliographie sources documentaires). Elle est sans prétention et a été établie à partir des documents et d’éléments disparates en notre possession. Les bibliographies qui seront établies par Françoise Aubaile, présente à la séance du 23 novembre, et par Mohamed Oubahli, qui est intervenu à celle du 15 mars, nous fourniront des matériaux copieux dont le dépouillement peut être à l’origine de découvertes contributions originales, notamment sur des termes dont l’origine arabe ou orientale n’avait pas jusqu’ici été relevée ou restait imprécise.

Tous ces travaux nous permettront d’établir une liste complémentaire à la première liste faite à partir des 3 dictionnaires.

** À noter que pour le turc et le persan, nous avons élargi notre réseau puisque Sonel Bosnali, maître assistant à l’université du Bosphore, Istanbul, a accepté de devenir consultant de notre Bulletin, de même que Hossein Esmaëli, maître de conférences à l’INALCO pour la langue persane.

* Les mots nouveaux entrés en français depuis 1960 : du fait que le TLF arrête son étude aux termes entrés avant 1960, il serait bon d’établir un corpus des mots entrés après 1960. Certains sont d’ailleurs déjà consignés dans le Grand Robert (GRLF) ou dans le Grand Larrousse Encyclopédique (GLU) avec des occurrences d’avant cette date.

** On peut voir à ce propos une proposition de Liste de mots nouveaux apparus après 1960 (voir le fichier 04 Arts culinaires. Mots nouveaux). Cette liste, donnée à titre purement indicatif et dont tous les renseignements doivent encore être vérifiés, fournit une première idée des occurrences à partir de la toile. Elle suffit cependant à montrer des incohérences graves entre les termes courants non répertoriés et des termes rares indiqués par les dictionnaires : ainsi le GLU, éd. 1995, donne kanoun (13.500 occurrences) mais ignore chorba (171.000) ou smen (112.000).

** C’est à nous de remédier à cela en proposant un corpus dûment réfléchi, basé sur une enquête d’usage dont la méthodologie reste à définir. Il nous semble dès à présent que les termes ayant plus de 10.000 occurrences dans la liste fournie doivent être pris en considération.

** À noter que si nous prenons comme point de départ les dictionnaires français, nous pouvons trouver, chemin faisant, des éléments nouveaux concernant les autres langues européennes, en particulier l’anglais, l’italien ou l’allemand, sachant que le travail de mise à jour dans les langues ibériques a déjà largement accompli, notamment par Federico Corriente.

CONCLUSIONS

 Nous travaillons dans plusieurs directions : celle d’un inventaire du travail existant et celle de nouvelles recherches, tant sur des mots anciens que sur les mots récemment entrés dans les langues européennes. Les amis qui n’étaient pas présents à la réunion comme ceux qui peuvent y assister du fait de leur éloignement sont invités à faire remarques et propositions. Le courriel est un excellent moyen qui nous permet aujourd’hui de travailler à distance et en réseau.